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 Les lectures de pasdel

Les lectures de pasdel

Mes lectures, mes coups de coeur, mes humeurs... voici ce que vous retrouverez dans mon blog.


Montedidio

Publié par leslecturesdepasdel sur 7 Août 2013, 19:35pm

D'Erri De Luca

Traduit par Danièle Valin

Editions Gallimard, 207 pages

 

http://images.empreintesduweb.com/vignette/1375897490.jpg

 


  Naples. Montedidio  un quartier populaire  surpeuplé, où « si tu veux cracher par terre, tu ne trouves pas de place entre tes pieds », un quartier grouillant de vie, où la misère transpire des habitants. Où le labeur s’étale  comme exutoire d’un après-guerre maladif. C’est l’Italie, mais c’est surtout Naples, cette fourmilière grouillante de vie, d’odeur et de sons, aux personnages exubérants, grandiloquents, abracadabrantesques. Quelque part dans ces ruelles, Maria et le narrateur, deux enfants de treize ans vivent leurs derniers instants, s’apprêtant à quitter  les oripeaux de l’enfance, à tronquer le substrat de l’innocence et de l’insouciance.

 

  Montedidio, c’est la fugacité d’un bonheur, la fin d’une adolescence à peine entamée, l’aube d’une nouvelle expérience, de la découverte des sentiments réciproques, des tourments de l’âme et du corps. Quand les pantalons remplacent les vêtements de l’enfance et le travail se substitue à l’école. Dans les senteurs salines et épicées, deux enfants oublient les tracas de la vie en s’initiant aux  émois du cœur, à la sensualité des corps. Sur les toits de Naples, sous l’alignement du linge de la vie quotidienne, Maria, la belle, offre innocemment au narrateur ce que le propriétaire véreux tente de lui prendre par la brutalité et la fourberie. De cet endroit, où « d’un saut vous êtes déjà au ciel », deux personnes vont éclore, palper les abords d’un paradis.

 

  Montedidio, c’est une histoire d’amitié et d’envol pour le narrateur et Rav Daniel. Personnage aussi énigmatique que généreux, bossu philanthrope qui répare aussi bien les souliers que les âmes, cet homme, échappé de la Shoah,  délivre les saintes paroles à qui veux l’écouter. Il rêve de prendre son envol pour Jérusalem, transformant la coque vide sur son dos en chrysalide. Le narrateur échappe à la lente extinction de sa mère trouvant force et réconfort dans les bras de Maria et le contact du « boumeran », cadeau de son père, symbole de sa croissance, de sa maturité naissante, de sa souffrance retenue.

 

  Dans ce quartier populaire, les émotions surgissent à chaque rencontre, violence, mort et amour se rencontrent, se nouent et se dénouent au rythme du rouleau sur lequel le jeune garçon retranscrit ses journées. Une courte vie résumée sur un simple rouleau d’imprimerie, une écriture poétique et sèche qui se clôt dans un grand bruit, dans le cri d’un enfant devenu adulte trop vite et malgré lui.

 

  On aimerait, ne serait-ce qu’un bref  instant, effleurer du bout des doigts les ailes du rêve, incruster l’image dans les sillons de notre peau et tatouer ce moment sur nos cœurs. Prendre une photo, immortaliser cette tendresse d’un amour juvénile, cette candeur encore enfantine dans ces corps d’adolescents. Prendre ce couple par la main et les conduire, en compagnie de Raffaniello, ce séraphin, doux samaritain, sur les toits du Mont de Dieu, deviser encore un peu avec eux et les accompagner sur route de leur vie, de leur bonheur.

 

 Comme toujours, l’écriture d’Erri de Luca fait mouche, ce maçon des mots construit ses phrases, bâtit ses chapitres comme des cathédrales élevées à la gloire des sentiments et de l’amour, sculpte dans la douleur l’essentiel, le concentré des émotions. Un hymne à l’amour, à l’adolescence, un récit onirique où symbolisme et réalisme se mêlent, s’entremêlent au point de devenir indiscernable, comme l’union de ces deux corps blottis dans le frêle lit.

 

Extraits:

 

"« 'A iurnata è' nu muorzo », la journée est une bouchée, c'est la voix de mast'Errico devant sa boutique. Moi, j'étais déjà là depuis un quart d'heure pour bien commencer ma journée de travail. Lui, il arrive à sept heures, relève le rideau métallique et dit sa phrase d'encouragement : la journée est une bouchée, elle est courte, il faut se remuer. À vos ordres, lui-dis-je, et ça s'est passé comme ça. Aujourd'hui, j'écris ces premières notes pour tenir compte des nouvelles journées. Je ne vais plus à l'école. Je viens d'avoir treize ans et mon père m'a mis à travailler."


"...l'italien est comme une étoffe, un vêtement sur le corps nu du dialecte. Il dit aussi : "L'italien est une langue sans salive, le napolitain au contraire garde un crachat dans la bouche qui fait bien tenir les mots entre eux..."

 

 
"J’écris en italien parce qu’il est muet et que je peux y mettre les choses de la journée, reposées du vacarme du napolitain."

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